L’étang de Lindre et son barrage
L'Homme a occupé cette région dès la période du néolithique, bien avant la création des étangs. Il s'est installé dans cette vaste zone marécageuse, attiré par la présence de sel dans certaines sources et mares salées.
Le Saulnois, Pays du sel
L'étymologie de tous ces noms, Seille, Saulnois, Château-Salins, Marsal , Abbaye de Salival, Salines de Salées - Eaux, évoque bien la présence de sel dans cette région. L'exploitation du sel a été pratiquée dès le néolithique, dans la partie supérieure de la Seille par la technique du briquetage. L'exploitation par extraction des eaux salées, dite le "puits salé" débute à Dieuze dès la période médiévale au VIIIe siècle.
Cette technique était utilisée dans toutes les salines de la région. Améliorée, elle est encore pratiquée aujourd'hui, par injection d'eau douce et pompage à Dombasle. L'extraction de gisements de sel a débuté au XIXe siècle, à Dieuze notamment, elle continue aujourd'hui dans la mine de Varangéville.
Deux tribus celtes
Les Leuques et les Médiomatriques, ont dominé la région jusqu'à la période Gallo-Romaine. Après la conquête de la Gaule, les Romains édifièrent un important réseau de voies de communication dont la voie Reims - Strasbourg via Metz qui était l'axe majeur du Saulnois. Cet axe passait à Tarquimpol (Decempagi), devenue une importante bourgade au cœur d'une vaste zone marécageuse.
Decempagi était un grand centre de romanisation à dominante religieuse, culturelle et ludique, elle pouvait accueillir de nombreux pèlerins, en témoigne un grand nombre de vestiges de bâtiments publics, thermes, temple et un théâtre de plein air de 12000 places.
Les incertitudes des origines de l'étang
L'origine de l'étang de Lindre n'est pas connue. Sa création remonte probablement au XIe ou XIIe siècle. Le premier texte évoquant l'étang de Lindre date de 1263, le nom de Lindre dériverait de "linter", sorte de bateau à fond plat.
La vocation de l'étang est d'abord la pisciculture, pour alimenter les populations en poisson et gibier d'eau, pendant les nombreux jours maigres imposés par l'église (140 jours par an !).
On peut penser qu'il y a eu d'abord création de plusieurs petits étangs qui auraient été réunis par la suite pour donner la configuration actuelle de l'étang de Lindre.
La retenue d'eau aurait été créé par les Ducs de Lorraine au XVe siècle. L'étang était également envisagé comme un aménagement stratégique pour défendre la place forte de Marsal établie par Vauban. En rompant la digue, il est possible d'inonder la vallée de la Seille et de protéger Marsal, haut lieu de l'industrie du sel, ainsi que Dieuze et éventuellement Metz.
La Maison de la Tour, véritable forteresse, avec des murs, d'une épaisseur de 2,5 m aurait été construite pour protéger et contrôler l'ouverture des vannes.
L'industrie du sel prend de l'importance dans la région. Les salines, très convoitées, représentent la moitié des revenus des Ducs de Lorraine au XVIe.
L'étang de Lindre s'affirme comme un enjeu stratégique. La régulation du cours de la Seille par l'étang permettrait aussi le transport du bois par flottage pour alimenter les salines.
Le rôle défensif de l'étang
"Le 25 octobre 1641, le Comte de Grancey, parti de Saint Nicolas avec 3000 fantassins et 700 chevaux vint faire le siège de Dieuze. Il se rendit maître des jardins où il y eut une grande escarmouche. Ensuite, ils se logèrent sur les fossés. On dressa une batterie à cent pas du fossé. Elle fit une brêche sur le midi du 26. On entreprit de combler les fossés et l'on commanda à 4000 fantassins de faire chacun une fascine, ce qui fut exécuté promptement. Mais le commandant de Dieuze, manda au commandant de la tour de Lindre de lâcher les écluses. Ce qui fut fait et les eaux s'accrurent tellement qu'elles emportèrent les fascines et se répandirent dans la campagne, en sorte qu'on eut assez de peine sur la nuit du 26 au 27 de retirer le canon".
Le comte de Grancey dut lever le siège et abandonner Dieuze.
Les carpes de Fontainebleau
La population de carpes que l'on peut admirer aujourd'hui à Fontainebleau est originaire de l'étang de Lindre. On apprend en effet, dans un document de 1605, que pour être agréable au roi de France, et à titre de cadeau, le Duc de Lorraine Charles de Vaudémont, fit don à Henri IV de soixante carpes de l'étang de Lindre qu'il fit transporter par terre et par eau, jusqu'à Fontainebleau.
L'étang de Lindre a appartenu aux rois de France, à partir du XVIIIe siècle, lorsque la Lorraine a été rattachée à la France.
La révolution française
La période de la révolution est marquée par une volonté de suppression des étangs pour une remise en culture, car on manque de grain. L'étang de Lindre est cependant épargné.
La propriété privée
Sous l'Empire français, en 1807, l'étang de Lindre est vendu à des propriétaires privés.
Il deviendra propriété de la famille Masson de Montalivet . L'administration de la guerre maintient toujours l'interdiction d'assécher l'étang pour la défense de la vallée de la Seille. Georges Timothée Masson, membre de la Société d'Agriculture développe la pisciculture dans l'étang de Lindre. Il publie en 1843 un mémoire concernant la gestion de son domaine.
L' étang est exploité suivant un cycle triennal. Il est laissé deux années en eau pour la production de poisson, et une année à sec, que l'on appelait "assec" avec une mise en culture (appelée "terrage"). Ces cultures, chanvre, blé, orge…profitaient de la grande fertilité du fond de l'étang.. L'étang de Lindre alimentait aussi un moulin à grain et un moulin à huile.
La famille de Montalivet crée en 1908 la "Société des domaines de Lindre", une propriété de 1950 hectares d'étangs, terres cultivables, prés et forêts, dont la gérance est confiée à un régisseur, Mr Mélard.
Pendant la seconde guerre mondiale, les allemands n'ont jamais laissé l'étang à sec.
La digue a été bombardée par les américains, en 1944, pour contraindre les allemands à lâcher leurs positions, opération sans grand résultat qui inonda la ville de Dieuze. La digue a été reconstruite en 1946.
La gestion triennale de l'étang est maintenue jusqu'au début des années 60.Elle est pratiquée ensuite sans assec avec une pêche tous les 3 ans.
Lorsque le Domaine de Lindre est mis en vente, en 1974, ce site est déjà reconnu pour son grand intérêt écologique. Face à la crainte de voir se développer des projets d'aménagement touristique, comme il existe déjà sur les autres grands étangs de la région, un projet de Réserve Naturelle est examiné, en 1975. Jugé trop contraignant, il est abandonné.
Le Conseil Général de la Moselle, avec une aide financière de l'Etat et de la Région, fait l'acquisition des étangs du domaine, en 1976. Le domaine forestier est racheté par une société d'assurances et les fermes vendues aux exploitants agricoles.
Aujourd'hui
Le Domaine de Lindre est aujourd'hui une propriété de 970 hectares qui comprend environ 830 ha d'étangs.
Ses principales vocations sont :
- la pisciculture d'étang extensive et l'expérimentation aquacole
- la préservation d'un site naturel exceptionnel
- le développement d'un pôle de tourisme de nature
- le développement de la sensibilisation à l’environnement